I’m just a man I’m only flesh and bone

Voilà dix-huit ans, naissait Axel dans la petite famille des Mustang. Lucas policer et Delilah infirmière. Une petite famille pour une petite ville, Whitehaven. Un trou paumé diront les mauvaises langues. Sans doute ce que dirait Axel de nos jours, mais à l’époque cela n’avait pas grande importance à ces yeux. Une petite maison avec un jardin, un chat – presque – câlin et de l’amour dans l’air. N’est-ce pas la définition du bonheur ? Pour la petite famille, assurément.

Pour l’amour, Axel n’en a jamais manqué. Alors certes, les parents étaient un peu occupés de part leur métier respectif, mais ils étaient là. Toujours présent pour le gosse. Enfance calme et paisible. Le jeune étalon était un peu moins farouche à l’époque et pouvait se lier plus facilement. Enfin, surtout envers une petite fille de son école maternelle. Orion de son petit nom. Régulièrement fourrés ensemble que ce soit pour faire des bêtises ou pour la sacrosainte sieste de l’après-midi. Son doudou cheval dans les bras et Orion à ces côtés. La dream team pour faire de beaux rêves ! A moins que ce ne soit Orion dans ses bras et le doudou à côté ? Axel ne s’en souvient plus vraiment.

Et pourtant ces deux-là, c’était un running gag à eux seuls quand ils s’imaginaient vivre mille aventures une fois mariés. Parce que oui forcément, ils allaient se marier. Ils savaient pas comment le mot s’écrit qu’ils s’y imaginaient déjà. Même qu’ils s’étaient échangés des bracelets à la saint valetin de la dernière année de maternelle. Un petit bracelet tout simple avec un fil tressé et un petit cœur en argent – payé par leurs parents respectifs, les premiers à rigoler de leurs mômes. Ah. Les gosses… Le pire, c’est qu’il l’a toujours. Certes il ne peut plus le porter, mais il l’a toujours sur lui à son trousseau de clefs. Même s’il a dû le planquer dans son portefeuille lorsqu’il était en couple. Ça plaisait moyen à sa meuf qu’il ait un bracelet avec un cœur venant d’une autre fille, allez savoir pourquoi ! Il s’attache à ce bracelet comme l’on s’attache à un beau souvenir.

Et puis un jour, tout bascule. Les rêves de se marier avec la dizaine de gosses, un chat, un chien, un oiseau et un poisson rouge. Ils avaient portant déjà prévu les noms pour tout ce beau monde. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est le hasard qui vous fait un doigt d’honneur quand vous vous y attendez le moins. Parce qu’ne vie trop simple et paisible serait moins agréable et drôle sans quelques périphéries. A l’entrée de l’école primaire, Axel et Orion furent séparer. Un drame pour les gosses. Une annonce de la suite. Alors qu’elle terminait sa journée – trop – chargée, Delilah a eu un accident de voiture. L’hiver avait posé son voile, la nuit tombait, le chauffeur du camion cumulait dangereusement les heures de conduites pour livrer à temps sa marchandise. Plein de bonnes et de mauvaises raisons que firent que le camionneur grilla un stop sans s’en rendre compte… Quand la fatigue se transforme en négligence, personne n’en sort gagnant.

Comment annoncer à votre môme que maman va plus revenir ? Qu’elle est quelque part « là-haut » alors que vous-même vous ne croyez pas au paradis. Lucas fut dévasté, mais il prit sur lui. Pour sa femme, pour Axel. Parce que « maman aurait pas voulu qu’on soit triste ». Mais pour ça, il fallait un nouveau départ. Lucas l’aimait pourtant sa petite ville, mais il n’en pouvait plus de voir les mines désolées des gens. Ses propres parents étaient décédés il y a bien longtemps, il n’avait plus d’attaches. Alors pour commencer un nouveau chapitre dans leur histoire, il demandé à se faire muter et ils déménagèrent Anchorage. Ville où habitait les grands-parents maternels. Et là vie continue.

« Ne pleure pas, je reviendrai, promis ! » lançait Axel à sa Orion en se retenant de chialer lui-même comme une madeleine.

Et puis, le temps qui passe. Ils se perdirent de vue pendant qu’Axel grandit. Doux euphémisme ! Une chance peut-être. Si en plus d’être timide, fallait être petit, c’était le combo perdant pour être la cible des petits cons. Axel le géant n’eut donc jamais d’ennuis. Parce que quand vous faites deux têtes de plus que les autres, personne ne vient vérifier si vous savez vous battre ou pas ! Il eut simplement les blagues – pas drôle – à base de « tu joues au basket ? ». Que neni ! Au lycée, après avoir essayé moult sport en club, il se piqua d’affection pour le rugby quand ils en firent en cours. Bon, l’entrain d’Axel ne fut pas glorieux pour tout le monde. Souvenir de la fois où pris dans son élan, il ne fit pas attention et repoussant une meuf en lui éclatant le sein. Bon. Plus de gêne que de réel mal. C’est ainsi que vous pouvez voir un géant se confondre en excuses… Il finit par se trouver un club pour évoluer avec d’autres jeunes passionnés sans craindre de casser en deux ses petits camarades de classe !

Pour ce qui est de ses résultats à l’école. Bon. A la naissance il a eu le forfait abdos, c’est déjà bien non ? On va pas en plus lui demander d’être intelligent ! En réalité, si ces résultats sont moyens, c’est sans doute plus par flemme qu’autre chose. Pourquoi s’emmerder à être le premier de la classe quand il suffit de la moyenne pour passer à la classe suivante ? C’est la philosophie d’Axel, faire le minimum d’effort demandé pour avoir des notes dans la moyenne, mais sans trop se fatiguer non plus. Pour se fatiguer, il y a le sport ! Cela dit, la scolarité est tranquille et à part un choix de coupe de cheveux douteux, la vie suit son cours.

Mais est-ce que l’entité qui dirige la vie des gens ne serait pas le troll ultime ? A vous faire passer les trolls de l’internet pour de petits joueurs. « Continue à me faire chier, tu retourneras à Whitehaven » lançait le supérieur de Lucas à son attention. Au départ, c’était juste une farce. Un running gag. Puis il y a eu l’insubordination de trop. Une victime d’un viole qui ressemblait un peu trop à Delilah. Et peut-être que Lucas a perdu son sang-froid. Peut-être bien qu’il a fait avouer le coupable façon flic des années des 50. Quand les policiers s’habillaient avec autant de classe que des mafieux et distribuaient des pains pour délier les langues. Sauf qu’on est plus dans les années 50 et que tabasser un mec en garde à vue en 2020, même si c’est un connard, c’est un peu limite niveau procédure. L’affaire a été plus ou moins étouffé, mais Lucas fut « mis au placard ». Retour à Whitehaven.

De Whitehaven, Axel ne se souvient que de très peu de choses et le peu de choses qui lui reste en mémoire l’est sans doute grâce à quelques photos de l’époque. Lors du déménagement, entre deux râlements, il a retrouvé une vieille boite à souvenirs avec plein de photos de quand il était petit. Des photos de lui et d’Orion. Son père sauta sur l’occasion pour lui montrer le bon côté des choses, mais Axel resta perplexe. « Tu vois ! Tu vas retrouver ta copine ! Et tenir ta promesse en revenant ! – Tu parles, si ça se trouve elle y est même plus. »

Et pourtant, même si déménager et faire sa dernière année de lycée dans ce « trou pourri » loin de ses potes ne lui plait guère, il ne peut s’empêcher de se demander s’il va la retrouver. Sa petite Orion…